Qu’est-ce qui vous a motivée à devenir formatrice pour le CQÉMI ?
J’ai eu connaissance du programme lors d’un congrès de la FPJQ en 2018, si je me souviens bien. Les formations du CQÉMI étaient un des ateliers proposés et je m’étais inscrite parce que je trouvais ça a priori intéressant. Puis, le contenu de l’atelier a juste confirmé mon intérêt. Je pense que deux des choses qui m’ont interpellée étaient tout le contexte de fausses nouvelles avec l’arrivée de Trump, qui a vraiment été un électrochoc qui a fait que je me sentais concernée, en tant que journaliste. La 2e chose que j’ai trouvée super intéressante lors de cette présentation, c’était d’aller rencontrer le public. Parce que je crois que c’est une des choses qu’il faut davantage faire pour aider à rétablir un lien de confiance entre les médias et le public.
En quoi est-ce que votre intervention auprès des jeunes fait une différence ?
Ce que j’observe beaucoup quand je vais dans les classes, c’est qu’il y a une grande méconnaissance de l’écosystème médiatique, de la variété du paysage médiatique dans toute sa diversité. « Pourquoi les journalistes sont-ils importants, à quoi servent-ils ? » Ce sont des choses qui, pour nous, sont acquises et évidentes. Honnêtement, avant de commencer à donner des formations, je pensais que c’était évident pour pas mal de monde. Ça, je pense que c’est vraiment un biais que probablement tous les professionnels ont. Mais il faut d’autant plus expliquer notre métier en ce moment avec le contexte social, politique, partout dans le monde.
Puis je trouve que notre travail fait une différence parce que j’ose croire que ça sème des choses. Je vois des classes qui sont curieuses, qui sont intéressées, qui se posent des questions. Et oui, souvent ça part de très loin ; il faut commencer par expliquer la différence entre information et divertissement, entre une fausse nouvelle créée délibérément et une erreur journalistique.
Aussi, un peu en lien avec ce que je disais sur la crise de confiance entre le public et les médias, à mon avis, en tant que journalistes, on doit sortir de notre milieu journalistique qui est parfois une tour d’Ivoire et aller rencontrer le public. Je pense que le fait d’avoir un journaliste en classe est une des choses qui fait une différence.
Comme vous l’avez mentionné, considérant le contexte social et politique, qu’est-ce qui vous inquiète le plus en matière d’éducation aux médias et à l’information chez les jeunes ?
Ce qui m’inquiète le plus, c’est qu’on ne fait pas assez d’éducation aux médias. Tous les élèves devraient avoir ce genre de cours, et je pense que ça s’en vient tranquillement avec le cours de Culture et citoyenneté québécoise, mais je trouve qu’on est trop lent. Ça, c'est ma préoccupation. […]
Je pense qu’on tarde vraiment. C'est sûr que l’élection de Trump a été un électrochoc dans plein de milieux. Avant ça, il y avait déjà des gens dans le milieu journalistique qui se posaient des questions, qui réfléchissaient aux enjeux d’éducation aux médias. Mais là, ça a été un gros accélérateur où on s’est dit qu’il faut vraiment réagir.
En fait, ce qui m’inquiète, c’est de voir 8 ans plus tard, qu’on n'a pas assez allumé. On reste une minorité, dans notre milieu professionnel, à avoir conscience d’à quel point il faut, comme journaliste, faire de l’éducation aux médias. Tout le monde n’est pas obligé de devenir formateur pour le CQÉMI, mais chaque journaliste devrait être conscient et préoccupé de ces enjeux-là et faire de l’éducation à sa manière dans son entourage, d’entrée de jeu. Je ne sais pas quels sont les programmes des écoles de journalisme aujourd’hui, mais il devrait y avoir un cours adressé là-dessus ; pourquoi c’est important de faire de l’éducation aux médias, pourquoi c’est important de parler de notre métier, pourquoi c’est important d’avoir de l’autocritique.
Enfin, ce qui m’inquiète le plus dans notre milieu professionnel, c’est que le CQÉMI ne soit pas suffisamment mainstream. Ce n’est pas normal que l’année dernière, il y ait un journaliste de La Presse qui fasse un article en parlant d’éducation aux médias et qu’il ne cite même pas le CQEMI. Je n’ai rien personnellement contre ce journaliste-là, mais pour moi, ça montre à quel point dans notre milieu on n’est pas assez éveillé à l’ÉMI.
Quel est votre meilleur souvenir de formation en classe ?
Ce que j’aime beaucoup, c’est quand j’ai des personnes très réfractaires, voire complotistes, dans les groupes, mais j’en ai de moins en moins. J’aime vraiment ça parce que c’est avec ces gens-là qu’il faut parler. Je n’ai pas besoin d’expliquer pourquoi notre métier est important à des gens qui en sont convaincus.
Sinon, je me souviens d’un groupe avec des adultes qui finissaient leur secondaire. Ils m’attendaient avec une brique et un fanal. Je me suis dit : « C’est parfait parce que c’est avec ces gens-là que je veux discuter. » Ensuite, je pense que l’amorce de conversation qui a eu lieu, a semé un petit doute. C’est un bon souvenir parce que je pense que ces personnes sont reparties moins convaincues que les journalistes sont des menteurs, des manipulateurs, qui font partie d’une élite obscure qui veut prendre le contrôle. Ils en étaient très, très convaincus. Mais en partant de ce qu’ils amenaient, en leur posant des questions, en reflétant des choses, inévitablement, à un moment donné, ils se retrouvaient face à leurs contradictions. Honnêtement, c’étaient de belles conversations.