Peut-on déjouer les algorithmes?

Peut-on déjouer les algorithmes?

 

Conçus pour nous présenter du contenu personnalisé selon nos intérêts et croyances, les algorithmes de recommandations sont de plus en plus efficaces pour bien cibler les utilisateurs des réseaux sociaux. Ce qui soulève plusieurs questions. Faut-il réellement se méfier des algorithmes ? Est-il possible de les déjouer?

 

Ce sont 33% des adultes québécois qui utilisent les réseaux sociaux comme première source d'information en matière d’actualité, selon une enquête de l’Académie de la transformation numérique de l’Université Laval publiée en juin 2022. Chez les 18 à 24 ans, ce pourcentage passe à 67%.

 

Pourtant, ces réseaux n’ont pas été conçus pour informer, mais plutôt pour socialiser. Certains algorithmes favorisent ainsi la popularité et la viralité d’un contenu, plutôt que sa validité et sa pertinence. Sur différentes plateformes telles YouTube, Instagram, TikTok, Facebook et Twitter, il n’y a pas de priorité accordée au contenu vérifié et de qualité. Ce sont les publications qui font le plus réagir et qui ont un haut taux d'engagement (« j’aime », partages, commentaires, etc.) qui sont mises de l’avant.

 

Une présence sur les réseaux sociaux laisse également des traces de ses intérêts et de ses croyances. Certains algorithmes et traceurs recueillent ces données afin de montrer à l’utilisateur du contenu personnalisé qui pourrait le convaincre de passer plus de temps sur la plateforme en question. Même les moteurs de recherche, comme Google, auxquels les gens font confiance, ont des algorithmes très puissants. Ainsi, les premiers résultats d’une recherche sont ceux qui sont les plus susceptibles de les intéresser et pas nécessairement ceux qui sont les plus pertinents.

 

Se faire présenter du contenu sur mesure a ses avantages, mais comporte également son lot de dangers. La chercheuse en communication et intelligence artificielle Julie Gramaccia, professeure adjointe à l’Université d’Ottawa, explique que « les algorithmes de recommandation peuvent vous entraîner petit à petit dans une bulle de filtre ou alors dans une chambre d’écho dans laquelle vous serez systématiquement exposé à des informations qui rejoignent vos propres croyances, ce qui limite l’accès à une pluralité d'informations ».

 

Conseils pour déjouer les algorithmes

Alors que les algorithmes sont présents presque partout en ligne, est-ce vraiment possible de les déjouer afin de s’informer de manière responsable? « Oui, c’est possible », estime le professeur agrégé au Département d'informatique et de génie logiciel de l’Université Laval, Richard Khoury. « Il existe même plusieurs stratégies relativement simples pour les déjouer. »

 

L'un des comportements à adopter pour mieux s'informer est de s’abonner à des journaux fiables et de varier le contenu que l’on consomme en ligne. Suivre des pages qui vont à l’opposé de ses propres opinions permet non seulement de déjouer les algorithmes, mais aussi de prendre connaissance des deux côtés d’une même médaille et d’en apprendre plus sur des opinions opposées aux nôtres. Le tout peut aider à vaincre certains biais cognitifs communs.

 

Selon Julie Gramaccia, l’un des meilleurs trucs pour déjouer les algorithmes des réseaux sociaux est d’aller chercher l’information à la source, tout simplement. « Fondamentalement, il est difficile de les déjouer totalement, à moins de se tenir à l'écart des réseaux sociaux. Le plus important, c'est de garder des habitudes d'information qui sont saines, critiques et variées », avance-t-elle. S'informer directement sur le site de médias connus permet de s’assurer de consulter une source fiable, mais également de choisir plus librement le contenu consommé. 

 

Richard Khoury conseille également de faire preuve d’une certaine prudence si l’on choisit de s’informer sur les réseaux sociaux. « Juste parce qu’une nouvelle est sur Internet, ça ne veut pas dire qu’elle est vraie, rappelle-t-il. Il faut toujours être conscient non seulement de la nouvelle qu’on lit, mais aussi de l’endroit d’où proviennent les informations. » Julie Gramaccia abonde dans le même sens, rappelant les dangers entourant certaines pages de réinformation et de médias alternatifs qui prennent l’apparence de médias sérieux. « C’est très dangereux, parce que cette  pseudo-information est extrêmement radicalisante. Et là où c'est vicieux, c'est qu’ils vont prendre un fait et le modifier légèrement. [...] Parfois, c’est tellement bien fait qu’il est difficile de distinguer le vrai du faux, la manipulation de la juste information. Il faut donc être vraiment très vigilant. » 

 

Elle souligne également que les gens derrière ces pages ne sont pas forcément des journalistes, et donc ne respectent peut-être pas l’éthique, la déontologie ou les normes journalistiques.

 

Les algorithmes sont partout… ou presque!

À l’inverse, il existe certaines alternatives aux géants du web qui respectent davantage la vie privée de leurs utilisateurs. Dégooglisons Internet propose différents sites pouvant remplacer les Google, Facebook et YouTube de ce monde. Il suggère des alternatives plus sécuritaires et moins remplies d’algorithmes de recommandation. 

 

Le kit Data Detox a quant à lui été développé en 2017 par Tactical Tech et Mozilla. Ce site contient un grand nombre de conseils, pour la plupart plutôt simples, qui visent à améliorer la vie privée et la sécurité en ligne des utilisateurs. Ces différents trucs permettent également de limiter le pouvoir des algorithmes. 

 

Il existe aussi des logiciels chargés d’analyser différents « témoins de navigation » ou  « cookies » afin de s’assurer qu’ils ne soient pas trop intrusifs dans leur collecte de données. Privacy Badger, Adblock, Ghostery et uBlock Origin en sont quelques exemples.

 

Finalement, comment se dessine le futur de l’information fiable en ligne, malgré les algorithmes de recommandation? Julie Gramaccia croit que ces derniers peuvent faire partie de la solution. « Il y a plein d'algorithmes en développement qui essaient de détecter la désinformation, les fausses nouvelles et la manipulation, affirme-t-elle. Les algorithmes ne sont pas nécessairement tous mauvais ou tous bons. C'est beaucoup plus gris et nuancé que ça. »

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