Chercher le coupable

Chercher le coupable

Il faut un coupable ! Sinon, comment expliquer la COVID-19 ? Sur qui ou quoi canaliser notre désespoir, nos craintes et nos frustrations ? Une mutation aléatoire dans un virus ? Non, le hasard ne peut porter le bonnet d’âne pour cette pandémie. On veut un coupable en chair et en os, quitte à condamner un innocent!

 

Le SARS-CoV2 a-t-il été créé en laboratoire ?

Non ! On a décodé son ADN. Il n’y a aucune trace de manipulation génétique. De plus, ce virus possède des « jumeaux » dans d’autres espèces animales, comme la chauve-souris et le pangolin. Ce ne serait pas le cas si ce coronavirus avait été créé en laboratoire.

Mais ça n’a pas empêché des conspirationnistes de prétendre le contraire.

Faux coupable no1

Au mois de mars, un youtubeur a publié une vidéo, devenue virale, affirmant qu’il existait un brevet le nouveau coronavirus, et ce, depuis 2004. #NousSachons.

Smoking gun, comme disent les Angliches. Oui, mais non.

Sur la première page du brevet, on peut lire que celui-ci porte plutôt sur le coronavirus du SRAS, une maladie différente de la COVID, qui nous a causé bien des maux de tête en 2003!

De plus, l’existence d’un brevet sur un virus ne prouve pas que celui-ci a été créé en laboratoire. Comme a dû le préciser l’Institut Pasteur, le prestigieux centre de recherches français à l’origine du brevet, « le brevet de 2004 décrit la découverte du virus, puis l’invention d’une stratégie vaccinale contre ce virus, et NON l’invention du virus lui-même ».

Oups !

Facile de s’y méprendre pour les diplômés en épidémiologie de l’Académie Twitter.

 

 

Faux coupable no2

À la mi-avril, on a prétendu que le nouveau coronavirus avait été assemblé avec des morceaux du VIH, le virus du sida. Par exemple, il aurait pu s’échapper d’un laboratoire dédié à la recherche d’un vaccin contre le VIH, à Wuhan, l’épicentre de la pandémie.

Cette idée s’appuie sur le manuscrit de scientifiques qui avait trouvé des ressemblances entre l’ADN du coronavirus et l’ADN du VIH. Sauf qu’étant donné la longueur de l’ADN de ces virus, il est normal qu’il y ait des ressemblances entre les deux par le simple fait du hasard. D’ailleurs, on retrouve ces ressemblances dans l’ADN de plusieurs autres virus. Réalisant leur erreur d’interprétation, les auteurs du manuscrit ont renoncé à faire publier leur manuscrit dans une revue scientifique.

Cela dit, pour ces auteurs, la présence de morceaux de VIH dans le coronavirus n’était pas une preuve que celui-ci a été fabriqué en laboratoire. Ce genre de fusion peut se produire chez une personne infectée par les deux virus en même temps.

 

Le SARS-CoV2 est-il un virus naturel qui s’est échappé d’un laboratoire ?

Il n’y a aucune indication que ce serait le cas. Par contre, il est impossible de prouver que ce scénario est faux. Même s’il est peu plausible.

Les découvertes sur les virus sont rapidement partagées dans la communauté scientifique. Or, on a identifié le SARS-CoV2 après le début de la pandémie. Il aurait donc fallu non seulement qu’un scientifique se contamine accidentellement en laboratoire, mais aussi que ce soit avec un virus encore inconnu, et que ce même virus ait les caractéristiques nécessaires pour provoquer la pandémie actuelle.

Ça fait beaucoup de « si », qui rendent cette idée, non pas impossible, mais bien improbable. Elle est malgré tout supportée par le gouvernement américain.

 

Faux coupable no3

Le gouvernement américain, par la bouche du Secrétaire d’état Mike Pompeo, a soutenu que le nouveau coronavirus se serait échappé d’un laboratoire de Wuhan, à la sécurité déficiente. Les preuves, prétend-on, seraient accablantes.

Sauf qu’on ne les a toujours pas vues ! Et on sait que le gouvernement américain a l’habitude de dénicher des boucs émissaires. Chercherait-il à détourner l’attention de sa mauvaise gestion de la crise de la COVID-19 ?

Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois a répliqué en blâmant plutôt l’armée américaine ! Ce faux coupable n° 4 aurait disséminé le virus en Chine, lors des Jeux mondiaux militaires qui se déroulaient à… Wuhan au début de 2020 ! Ah, la diplomatie internationale !

La pandémie de COVID-19 a-t-elle été déclenchée volontairement ?
Vous les attendiez ? On retrouve ici quelques exemples de théories de la conspiration de haut vol !

Faux coupable no5

Au début de 2020, le président américain Donald Trump nie la gravité de la COVID-19, comparant le virus à une vulgaire grippe. À ses yeux, il s’agit d’une crise inventée de toute pièce par les Démocrates et les médias de gauche, pour le détourner de son œuvre : rendre à l’Amérique sa grandeur. #MAGA.

 

 

 

Lorsque la dangerosité du virus est confirmée, QAnon partage une théorie qui se répand comme une traînée de poudre : les Démocrates se seraient alliés à la Chine pour créer et disséminer un virus mortel dans le seul but d’empêcher la réélection de Donald Trump !

Qui est QAnon ? Un groupuscule anonyme œuvrant sur Twitter, qui dit recevoir de l’information de sources haut placées au sein du gouvernement américain. Il prétend combattre les complots de l’État profond et de défendre l’Américain ordinaire. Mais à ce jour, QAnon n’a fait que propager des théories sans preuve ni fondement, qui se sont toutes avérées mensongères.

Cette théorie d’une alliance sinodémocrate a été très populaire dans les milieux conspirationnistes, où l’on compte beaucoup de partisans du président républicain.

Faux coupable no6

Cela fait longtemps que les scientifiques préviennent qu’envahir les habitats naturels augmente les risques de contact avec de nouveaux virus, inconnus de nos systèmes immunitaires (un des vrais coupables ?). Les changements climatiques aggraveraient la situation. Les environnementalistes plaident d’ailleurs pour qu’on profite de cette crise afin de changer nos habitudes.

Pour certains de leurs adversaires idéologiques, incluant possiblement des animateurs de radio au Québec, tout ceci constitue un excellent mobile. Des environnementalistes auraient disséminé, voire même créé, le SARS-CoV2 pour convaincre le public des dangers des changements climatiques ! Un scénario à la Rainbow Six, quoi !


Cet article a initialement été publié sur le site de Curium

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