Comment reconnaître une théorie du complot

Comment reconnaître une théorie du complot

09 juin 2020 

La pandémie de la COVID-19 a généré son lot de théories du complot. Certains croient que des humains ont créé le virus, d’autres pensent plutôt que les tours 5G rendent les gens malades, sans compter ceux qui croient carrément que le coronavirus n’existe tout simplement pas. Parfois farfelues, parfois subtiles, elles contribuent à polluer les réseaux sociaux. Se voulant des réponses simples à des questions complexes, ces théories gagnent en popularité et peuvent engendrer des actes violents, comme la destruction de tours 5G et d’autres tours de télécommunication un peu partout dans le monde.

Voici des indices qui vous aideront à repérer les discours complotistes… et à les ignorer!  

1- Une personne ou un groupe ultra puissant contrôle le monde 

Selon les complotistes, un seul coupable se cache derrière plusieurs événements, incidents ou phénomènes fâcheux, «inexplicables». Il peut s’agir d’une personne ou d’une famille riche (Bill Gates, les Clinton ou les Soros, par exemple), d’un groupe religieux (les Juifs portent souvent le blâme) ou d’une société secrète mystérieuse (pensons aux Illuminati ou aux reptiliens).

Bien que simplistes, ces théories fonctionnent car elles répondent à des besoins biens réels, particulièrement en temps de crise. Des psychologues anglais ont identifié trois raisons qui poussent les gens à adhérer aux théories du complot : le désir de compréhension et de certitude, le désir de contrôle et de sécurité, ainsi que le désir de maintenir une image positive de soi-même. La menace de la COVID-19, un virus créé naturellement, qui évolue rapidement et dont on ne connaît toujours pas toutes les facettes, provoque beaucoup d’anxiété. Clâmer que Bill Gates en est le responsable de la pandémie permet à certains de gagner un minimum de contrôle sur la situation et de soulager leur anxiété en leur donnant un faux sentiment de sécurité.

2- Ce groupe oeuvre dans le secret le plus total

On vous parle de centaines, voire de milliers, de «pions» ou de complices qui participent au complot dans le plus grand secret. Qu’il s’agisse des scientifiques, de membres d’un gouvernement, de vedettes hollywoodiennes, de membres d’une communauté religieuse, de journalistes, on s’attend à ce que vous croyiez que toutes ces personnes sont en mesure d’opérer subtilement, dans le plus grand des secrets.

Un biologiste et journaliste américain a même trouvé une formule qui permet de calculer le nombre de personnes qui devraient être impliquées pour qu’une théorie du complot fonctionne réellement. Son exemple le plus clair : pas moins de 400 000 complices auraient été nécessaires pour dissimuler le fait que l’Homme n’a pas marché sur la Lune. Farfelu, n’est-ce pas? Imaginez combien de personnes ça prendrait pour garder un secret… à propos du coronavirus qui touche le monde entier !

3- Les détails et les coïncidences sont présentées comme des preuves

Si une bonne partie du discours de complotistes repose sur du vent, il est aussi tissé d’événements et d’anecdotes véridiques, mais déformés jusqu’à ce qu’ils correspondent au portrait alarmiste qu’ils se font de la réalité. Des coïncidences, des détails et des anecdotes sont présentés comme des preuves, les détails sont grossis.

Même l’absence de preuves peut devenir une preuve… que le complot est bien dissimulé !

4- Si vous remettez en doute certains éléments, vous êtes un mouton

La théorie ne peut souffrir d’aucune faille et quiconque la critique risque de se faire accuser de faire partie du complot ou d’être secrètement financé par les groupes au pouvoir. Personne d’autre ne détient la vérité : les complotistes ont réponse à tout et ils ne se trompent jamais. Du moins c’est ce qu’ils prétendent!

Aucun argument contraire n’est accepté. Si vous critiquez, vous êtes naïf, un «mouton», ou vous faites vous-même partie du complot, de l’establishment. Les médias et les scientifiques sont décrits comme des élites secrètement financées par les groupes au pouvoir. On décrédibilise ainsi toutes les publications qui vont à l’encontre de la théorie du complot.

Par contre, vous remarquerez que les complotistes n’hésitent pas à relayer les articles journalistiques et les études scientifiques qui semblent confirmer une partie de leurs théories : c’est une illustration de ce que les psychologues appellent le biais de confirmation.

5- On vous demande de prouver que la théorie n’existe pas.

Si on conteste la théorie, une stratégie courante des complotistes est de demander de prouver que le complot n’existe pas. Or, prouver la non-existence de quelque chose est une tâche impossible, surtout si on s’adresse à des gens qui sont convaincus que ça existe.

Il s’agit d’un sophisme, un procédé rhétorique fallacieux : le renversement de la charge de la preuve. En science, la charge de la preuve revient à celui ou à celle qui avance une hypothèse. On ne peut pas prétendre que quelque chose est vrai parce que personne n’a pu prouver le contraire, ce raisonnement erroné est souvent utilisé pour déstabiliser un interlocuteur.

Et même si on arrive à démontrer qu’un événement annoncé ne s’est jamais produit, les complotistes peuvent se rabattre sur des dizaines d’autres événements impossibles à réfuter, et changer leur interprétation à posteriori.

De plus, les complotistes défendent leurs théories en utilisant une énorme quantité d'arguments divers pris dans différents domaines de connaissances. (Le sociologue français Gérald Bronner appelle ça le "mille-feuilles" argumentatif). Il faut donc avoir beaucoup de temps et de motivation pour déboulonner l’ensemble de leur théorie.

 

Il reste malgré tout possible d’établir un dialogue avec un ami qui adhère à une telle théorie ou avec quiconque partage une fausse croyance. On ne doit pas s’attaquer à la théorie dans sa globalité, mais  rechercher des zones de consensus, des élément sur lesquels il est possible de s’entendre. On peut par exemple chercher à trouver une erreur factuelle qu’il serait prêt à reconnaître comme telle (une affirmation, un événement, une statistique, etc.). Ou on peut chercher à trouver quelque chose qu’on partage avec cette personne(affinités politiques, cause environnementale, famille, religion, etc.) qui permet d’engager un dialogue entre lui et vous.

 


1 Canadien sur 10 croit que la COVID-19 est un complot.

 

Source: Université de Sherbrooke 

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